lundi 29 juillet 2013


Joan Miro, l'«Arlequin artificier» en Bretagne

La Fondation Leclerc accueille, tout l'été, à Landerneau, le peintre poète qui puisa dans son terroir une soif d'universel. Portrait d'un artiste qui bouscule les genres.

  • «Plus je travaille, plus j'ai envie de travailler. Je voudrais m'essayer à la sculpture, à la poterie, à l'estampe, avoir une presse. M'essayer aussi à dépasser, dans la mesure du possible, la peinture de chevalet qui, à mon avis, se propose un but mesquin, et me rapprocher par la peinture des masses humaines auxquelles je n'ai jamais cessé de songer», proclame Joan Miro, en 1938.
    C'est cet homme volontairement libre, cet artiste aguerri qui bouscule tous les genres, innove et cherche sans cesse, peint sur cuir ou toile épaisse, brûle ses tableaux pour se servir des trous comme motifs, bref cet «Arlequin artificier» que la Fondation Leclerc convie pour la première fois en Bretagne.
    Bretagne et Catalogne, même combat? Né à Barcelone, au printemps 1893, et mort à Palma de Majorque, le lendemain de Noël 1983, Miro le Catalan a bien quelques correspondances terriennes avec ce Finistère fier de son granit et de sa langue, de sa résistance et de sa singularité. Michel-Edouard Leclerc, MEL pour les intimes et les suiveurs de son blog, s'est fait un plaisir d'adjoindre le breton et le catalan au français et à l'anglais de rigueur dans les cartels. C'est un gène fort que celui des Celtes: depuis l'inauguration de son Palazzo Grassi en 2006, François Pinault, qui vient pourtant lui du pays gallo, ne manque pas d'accrocher le «Gwenn Ha Du», le drapeau blanc et noir symbole de la Bretagne, au sommet de son empire vénitien.
    Maître oblige, Miro n'en est pas à sa première exposition majeure en France. En 2004, le Centre Pompidou éblouissait amateurs et érudits avec «Joan Miro, la naissance du monde», consacrée à la période 1917-1934 et à l'invention de son langage pictural. En 2011, le Musée Maillol mettait en parade tout l'œuvre sculpté de Miro dans une blancheur étincelante très méditerranéenne, derrière un jeu de stores qui invoquait l'ombre de l'après-midi majorquine.

    Miro penseur, philosophe et poète

    Aux Capucins de Landerneau, le propos est encore différent, plus humain, plus ouvert, plus œcuménique en quelque sorte. Comme pour Gérard Fromanger, le peintre-soleil qui a ouvert cette Fondation l'été dernier (25 000 visiteurs), et pour Yann Kersalé, le Breton, artiste de la lumière et de la nature qui lui a succédé (35 000 visiteurs), il s'agit de parler d'art comme si c'était la première fois.
    Pour cette rude tâche, Miro le dandy toujours parfaitement peigné, même dans le feu de son atelier, n'est pas venu tout seul. Cet artiste aux yeux d'étoile est escorté spirituellement de trois générations de la famille Maeght, faiseurs d'art indissociables du XXe siècle à la Malraux. Adrien Maeght, le fils d'Aimé devenu désormais le patriarche, raconte bien et sans snobisme ce Miro qu'il rencontra à 17 ans. «L'homme était discret, modeste, il organisait son travail très minutieusement, se souvient-il. Chaque détail était pensé, réglé et pesé.» Et malicieux, comme le prouve l'atelier tout confort et tout neuf que Miro macula d'encre un soir, des murs au parquet, par «peur de faire des taches en travaillant!»
    L'étroite collaboration du Catalan avec la Fondation Maeght se lit ici partout, des maquettes d'affiches aux maquettes en céramique du fameux Arc monumental de la Fondation Maeght à Saint-Paul de Vence. Arpenteur journalier de ce royaume sans pareil, son directeur ­Olivier Kaeppelin en est ici son grand ordonnateur. Homme de lettres, il connaît tout de ce peintre qui disait: «Ceci est la couleur de mon rêve». De toile en dessin, de bronze peint célébrissime (Jeune fille s'évadant, 1968) en bronze rude comme la pierre (Personnage et Oiseau, 1967), il a construit aux ­Capucins un parcours Miro peuplé de criques et de trésors comme un portulan génois.
    Guidé par son lyrisme, le regard fait escale d'idée en idée, un Miro explorateur, un Miro artificier et danseur, un Miro constructeur d'objets mentaux, puis un Miro penseur, philosophe et poète, et enfin un Miro navigateur aérien (merveilleux Archipel sauvage). Comme en mer, on perd parfois son cap. Mais c'est toujours le bonheur à l'état pur.
    Joan Miro, l'Arlequin artificier, Fondation Hélène & Edouard Leclerc aux Capucins, Landerneau (Finistère), jusqu'au 3 novembre.







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