samedi 9 février 2013

L'Origine du Monde: ! & ?



Le visage de L'Origine duMonde

«De la foutaise!»




Le visage de Jo, «la belle Irlandaise», peinte par Courbet en 1865. Est-ce le même que celui qui orne le tableau d'un passionné d'art qui pense aujourd'hui détenir le visage de <i>L'Origine du Monde</i>?
Le visage de Jo, «la belle Irlandaise», peinte par Courbet en 1865. Est-ce le même que celui qui orne le tableau d'un passionné d'art qui pense aujourd'hui détenir le visage de L'Origine du Monde? Crédits photo : akg-images / Erich Lessing/akg-images 

INTERVIEW - Hubert Duchemin, plus de 25 ans d'expérience comme marchand et expert, réagit pour Le Figaro aux hypothèses nouvelles nées autour du tableau de Courbet.


Expert en peintures anciennes, on lui doit l'identification et la réattribution de plusieurs tableaux du XIXe siècle qui sont aujourd'hui dans les musées: Le Chat mort de Géricault (Louvre), l'étude pour le Portrait d'un Indiende Girodet (Met de New York) ou encore l'esquisse pour Le Christ au jardin des Oliviers, deDelacroix (Musée Delacroix). Effaré par les révélations de Paris-Match, il ne croit en la la thèse du puzzle pour L'Origine du Monde. Explications.
              LE FIGARO - Que penser de la toile découverte?
Hubert DUCHEMIN - Je suis effondré. Cette histoire est de la foutaise. La ma­nière n'a rien à voir avec celle de Courbet. Un enfant de 2 ans verrait cela! On ne repère nulle part le métier, la touche ­large, grasse et majestueuse. La matière pétrie…

Dans le magazine, un passionné d'art dit avoir acquis l'autre partie de  L'Origine du Monde . (Philippe Petit)
Dans le magazine, un passionné d'art dit avoir acquis l'autre partie deL'Origine du Monde. (Philippe Petit)

Que voyez-vous à la place?
Une œuvre qui n'est pas une croûte, certes, et qui a très probablement été exécutée au XIXe siècle. Mais aussi une peinture méticuleuse, serrée, très bouclée. Ici le pinceau est fin, le dessin précis, la couleur également, elle n'a rien à voir… Il y a de la violence, presque de la sauvagerie chez Courbet. Là, tout est en douceur et en contrôle.
Que dire alors des analyses du Centre d'études et de recherche
en art et archéologie?

Je ne connais pas ce laboratoire. Je n'ai pas eu son rapport. Rien de ce que j'ai lu ne prouve que la toile de L'Origine du monde ait été découpée une fois peinte. Que ce soit le même tissu, c'est possible, mais il était fabriqué par rouleaux et beaucoup de peintres ont pu se servir de ce matériau. Idem pour les pigments.
Si ce visage était bien celui de L'Origine du monde, combien vaudrait-il?
Difficile à dire. Il faudrait parler de dizaines de millions. L'Origine du monde est une icône. Quant à la cote de Courbet, elle est très variable en fonction de la rareté ou pas du thème traité. La rivière ou la grotte de la Loue, un site proche de sa ville natale d'Ornans qu'il a abondamment représenté, peut aller de 20.000 euros à 200.000 euros. Récemment, grâce au mécénat d'entreprise, à la générosité du public et aux fonds publics, le Musée Courbet d'Ornans a pu acquérir une huile peinte en 1864, Le Chêne de Flagey, pour 4 millions d'euros, auprès d'un collectionneur japonais.


L'Origine du monde : réactions d'écrivains

Par, Valérie Duponchelle


Que reste-t-il de la provocation de Courbet aujourd'hui ? Paul Ardenne, historien de l'art et écrivain, et Christine Orban, écrivain, se livrent.


           

          • Paul Ardenne: «La provocation aujourd'hui? La pudeur»

Ce n'est pas tant la pose de la femme, obscène mais classique dans l'œuvre dessiné, gravé et surtout photographié, qui fait de L'Origine du monde l'objet du scandale. Ces images n'entraient pas au musée, restaient dans le répertoire pornographique. En sortant de sa pénombre discrète et interlope par le biais de la peinture, cette mise à nu de la féminité change de sens. On a toujours dit queCourbet avait peint son amante, Jo l'Irlandaise.

Conformément à son Manifeste du réalisme de 1885, Courbet peint son époque telle quelle et rompt avec l'académisme d'un corps féminin idéalisé de manière apollonienne, petits seins, sexe esquissé et sans poils. Rappelons-nous que Napoléon III a frappé de sa canne l'Olympia de Manet, en signe d'indignation.

Ce qui est nouveau - que Courbet ait coupé en deux le tableau ou qu'il se soit concentré sur un seul sujet -, c'est qu'il en résulte un portrait du sexe féminin. Contrairement au visage, le sexe n'identifie pas. Cette vision renversante a passionné la modernité, de Duchamp à Lacan. Après le symbolisme éthéré, l'art moderne d'un Egon Schiele examine la femme au plus près de son sexe rouge dans Contemplée en rêve. Picasso doublera sa production de séries érotiques, de scènes de copulation, y compris zoophiles avec le Minotaure. Dans l'orbite du freudisme, les surréalistes, de Dali à Breton, y verront l'amour fou et l'inconscient. Dans les années 1970, les féministes le revendiqueront crûment dans leurs performances, d'Annie Sprinkle à Orlan. La Viennoise Valie Export en tirera son action dite Panique génitale contre les spectateurs d'un ciné porno. En 1996, Elke Krystufek poussera le geste jusqu'à la masturbation dans un «group show». Aujourd'hui, la provocation ultime serait… la pudeur!

             • Christine Orban: «Sans ruban joli à la Manet »

Pour mon roman J'étais l'origine du monde (Albin Michel), j'avais beaucoup lu ce qui existait sur Courbet. Joanna Hiffernan, modèle et compagne de James Whistler, est séduite par Courbet sur une plage à Trouville. Whistler avait eu la mauvaise idée de partir en voyage, laissant cette rousse qu'il avait peinte en blanc, virginale comme un lys, à la portée de Courbet, séduisant, séducteur, aussi mufle que talentueux. Tout cela se lit dans le tableau. Vu les dates, il m'a semblé que c'était bien elle, la femme au corps découpé au-dessus des seins et à mi-cuisse. Et qui accepte de poser ainsi. Non pour une coquinerie entre amants. Mais pour vendre, en l'occurrence à Khalil-Bey, un diplomate qu'une maladie vénérienne prévenait de toute action.

Je me suis glissée dans l'esprit de cette femme. La provocation de Courbet réside, à mon sens, dans le cadrage qui transforme le corps offert en viande découpée à l'étal d'un boucher. Les animaux découpés par Damien Hirst n'en sont que la suite provocatrice. Elle tient aussi au réalisme extrême du peintre concentré sur son sujet, à l'absence de toute fioriture. Pas de ruban joli à la Manet. Un corps nu sur un drap de bure blanc.





Affaire Courbet : la réfutation officielle d'Orsay





L'Origine du Monde
L'Origine du Monde Crédits photo : PASCAL GUYOT/AFP


Par, Eric Bietry-Rivierre

Dans un communiqué, le musée réfute officiellement la thèse selon laquelle un amateur d'art serait en possession de la partie haute du chef-d'œuvre de Courbet.


Fait exceptionnel car il rompt son devoir de réserve, la direction du musée d'Orsay publie une réfutation claire et nette de l'hypothèse publie dans le Paris Match de cette semaine d'un morceau de tableau complémentaire àL'Origine du monde. Voici son communiqué intégral.

Des hypothèses fantaisistes ont récemment été développés autour de L'Origine du monde de Gustave Courbet conservée au musée d'Orsay. Celui-ci souhaite rappeler certains faits bien connus des historiens de l'art. L'Origine du monde est une composition achevée et en aucun cas le fragment d'un œuvre plus grande. Longtemps entourée de secrets y compris dans ses dispositifs de présentation.

Certaines zones d'ombre subsistent dans son historique. Une certitude cependant, confirmée par tous les témoignages du XIXe siècle: le tableau visible chez Khalil-Bey, son premier propriétaire et probable commanditaire, était bien ‘une femme nue sans pieds et sans tête. À cette description de l'œuvre par Gambetta répond celle de Maxime Ducamp qui mentionne en 1878 que Courbet n'avait pas représenté «le cou et la tête» de ce «portait de femme bien difficile à décrire».

Les éléments relatifs à la technique de l'œuvre étudiée par le Centre de recherche et de restauration des musées de France après l'acquisition du tableau par le musée d'Orsay ne révèlent que des données très habituellement observées sur les toiles des peintres de cette époque: la toile et les pigments utilisés ici ont été préparés de façon industrielle. La seule description objective que l'on puisse faire du support original est qu'il s'agit d'une toile assez fine et de tissage simple, dont la trame comporte des irrégularités observables sur la plupart des tableaux de cette époque. L'Origine du monde présente par conséquent des caractéristiques techniques tout à fait communes que l'on retrouve sur des centaines de toiles contemporaines.















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