mercredi 10 décembre 2014

Saul Bass : un inconnu déjà célèbre




Saul Bass est un publicitaire né en 1920 à New York qui, à l’issue de ses études d’art, s’est orienté vers la communication graphique. Il s’est installé depuis 1946 à Los Angeles et y dirige depuis le début des années 1950 une agence spécialisée dans la conception du matériel publicitaire des films. Sa position de free-lance l’amène naturellement à travailler pour des producteurs indépendants qui, opérant hors de la routine des grandes compagnies, apprécient le traitement personnalisé qu’il peut imaginer pour chacune de leurs productions. L’une des clés de ce traitement est l’abandon des traditionnels portraits d’acteurs au profit d’un « logo », un symbole visuel fort qui deviendra l’emblème du film. Inévitablement, la création du logo ne peut que mener Bass à celle de l’affiche tout entière et même à celle du générique qui joue en bien des aspects le même rôle auprès du public.










La collaboration du créateur de génériques Saul Bass avec Alfred Hitchcock dure moins de trois ans, de décembre 1957 au printemps 1960, et elle ne concerne que trois films : Vertigo (Sueurs froides, 1958), North by Northwest (la Mort aux trousses, 1959) et Psycho (Psychose, 1960). Autant de réussites au commentaire desquelles il devrait n’y avoir rien à ajouter tant la reconnaissance de leur importance a été immédiate et généralisée. Aujourd’hui encore, dix ans après sa mort, Bass est sans doute le seul créateur de génériques que puisse citer spontanément un cinéphile, et cela toujours ou presque en relation avec ses trois films pour Hitchcock.




Psychose


Saul Bass et la création des storyboards du meurtre sous la douche 





Le scénario de Psychose14 ne donnait aucune indication concernant le générique. Celui que propose Bass compte parmi les plus brefs et les plus dépouillés qu’il ait signés, parmi les plus dynamiques aussi, emporté qu’il est d’un mouvement irrésistible par la musique pour cordes de Herrmann. Le principe en est simple, mais il défie la description : sur un écran uniformément noir se succèdent, verticalement aussi bien qu’horizontalement, des barres grises étroites régulièrement espacées qui traversent l’écran dans un sens ou dans l’autre15. Sur les barres horizontales viennent encore glisser dans le même axe des titres blancs en lettres capitales très simples. De la même façon, les barres verticales accompagnent la montée ou la descente de trois titres également blancs, réservés aux comédiens Anthony Perkins, Vera Miles et John Gavin. Surtout, les titres les plus importants sont susceptibles de voir leurs lettres se diviser, soit verticalement, soit, plus souvent, en trois parties horizontales égales, et leurs parties se décaler jusqu’à perdre toute lisibilité avant de retrouver leur unité. Même les cartons où sont groupés les techniciens et comédiens secondaires obéissent au même principe qui veut que les ensembles logiques soient toujours menacés de dislocation. Visuellement, le générique développe ainsi deux séries d’images très différentes, mais animées de mouvements similaires. D’une part celle des glissements de barres grises qui, entre le noir du fond et le blanc des lettres, vont et viennent de manière imprévisible dans un mouvement aussi clairement linéaire et déterminé qu’il est incompréhensible. D’autre part celle des mentions écrites en perpétuelle instance de décomposition, qui métaphorise avec vigueur la menace pesant sur l’unité élémentaire aussi bien que le processus d’assemblage des pièces du puzzle qui conduit à la révélation. Cette idée d’unité fragmentée, si essentielle au film, sera ensuite déclinée dans toute la publicité graphique pour Psychose. Mais, plutôt que de conserver pour l’affiche et les pavés publicitaires la solution proposée par Bass, trop étroitement liée au mouvement qui sépare et rapproche les parties, Hitchcock préférera acquérir pour 5 000 dollars le titre parcouru de deux déchirures dessiné par le graphiste Tony Palladino pour la couverture du livre original.

















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