lundi 26 août 2013

À Montpellier, la rétrospective du maître du pointillisme. Signac



Organisée pour le 150e anniversaire de sa naissance, est un bain de couleurs.




«Signac navigateur aimait la mer démontée et le vent ravageur», a témoigné Francis Jourdain, le fondateur des arts décoratifs modernes en France. Signac peintre préférait au contraire les eaux calmes. Celles qu'il pouvait saisir sur le motif par une aquarelle et recomposer méthodiquement, à l'huile, dans l'atelier. Elles lui ont offert leurs infinis et mouvants ­clapotis aux couleurs innombrables, jusqu'à l'achromie quand certains scintillements sont signifiés par de minuscules espaces laissés en réserve sur la toile ou le papier.
C'est sur ce thème de l'eau - avec une prédilection pour la Méditerranée - que le Musée Fabre de Montpellier, à la suite de celui de Giverny, a construit sa rétrospective. Un bel hommage pour le 150e anniversaire de la naissance de cet artiste charnière entre le XIXe et le XXe siècle, comme le prouvent, à l'ouest, les actuelles expositions sur la Normandie impressionniste et, au sud, celles sur les artistes venus travailler dans le Midi, de Van Gogh àPicasso.
À l'entrée, Signac accueille le public par l'entremise de son magnifique portrait exécuté par Théo van Rysselberghe, autre néo-impressionniste de poids. Main ferme sur la barre du mouvement pointilliste initié par Seurat mais théorisé par lui ; profil impérial se découpant sur la voile ; épaules dans l'axe de la bôme… Exceptée sa casquette bleue Signac n'a rien d'un capitaine Haddock. Il scrute le plan aqueux en connaisseur. La risée à l'arrière-plan, il a su avant Théo la rendre dans ses mille et uns éphémères détails ; ici par une myriade de points bleus et rouille.
Autodidacte, il a cru percer le secret de la lumière, de l'atmosphère et de la perception de toute chose dans les ­livres de Blanc, de Chevreul et de Hood sur «les lois si simples du contraste ­simultané». Fort de cette théorie qui allait discipliner son pinceau, il a poussé plus loin, avec méthode et minutie, l'œuvre de Monet son modèle. «Pendant les dix minutes que dure le coucher de soleil, j'ai pu prendre huit renseignements écrits avec échantillon de teintes à l'aquarelle» se félicite-t-il en 1896. On croirait entendre le patriarche de ­Giverny.
Les primaires doivent être divisées et organisées en fonction de leurs complémentaires pour, sur la toile, faire régner l'harmonie. Cet art qui repose sur un solide socle théorique a d'emblée été taxé d'intellectualisme. Mais il n'est jamais exempt de ce que Signac appelait «le sentiment», cette liberté instinctive du créateur dont il déplorait déjà l'effacement à son époque. En plaisance comme en peinture, on peut savoir lire une carte, dominer un courant, garder un cap mais, fort de cela, se laisser aller au gré des vents et des paysages.

       Un grand bonheur

Or, venu par la mer, comment ne pas succomber à Collioure, Marseille, ­Cassis, Saint-Tropez, Antibes et puis encore à Gênes, Venise (200 aquarelles peintes sur le motif à elle seule), Constantinople… S'en suivra, à soixante-six ans passés, un tour systématique des ports de France. Avant il y avait eu aussi la Manche jusqu'à la Hollande. Et les canaux! Insatiable Signac? L'exposition, thématique, qui cabote ainsi, de site en site, pourrait le laisser croire.
Mais ce caractère est trop solaire pour ne pas savoir qu'épuiser les ressources du paysage maritime équivaut à vouloir boire l'océan. Jamais de frustration donc dans cette œuvre. Rien qu'un grand bonheur. L'odyssée est à entreprendre, elle vous prendra plus que le temps des vacances.
Jusqu'au 27 octobre au Musée Fabre, Montpellier. Tél.: 04 67 14 83 00. Catalogue Gallimard, 235 p., 35 €.








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