Dans la station balnéaire bretonne, une cinquantaine d'œuvres contemporaines explorent l'ambivalence du littoral, à la fois limite d'un territoire et invitation à céder à l'appel du large. Une réflexion sur l'homme et sa destinée.
La Havane. CUBA
Qu'est-ce qui se cache derrière ce titre «Dinard, l'amour atomique», la nouvelle exposition conduite, une fois de plus, avec une grande sensibilité par Ashok Acideam. Il intrigue autant qu'il attire. «Il fusionne l'eau et le feu, nécessaire sans doute pour oser lever les mystères du littoral, endroit magique situé entre la terre, la mer et le ciel», observe la maire de la ville, Sylvie Mallet. Elle a donné carte blanche au commissaire artistique après le succès des expositions «Hope» en 2010 et «Big Brother» en 2011.
Ashok Acideam surprend avec une cinquantaine d'œuvres majeures de ses quarante artistes contemporains préférés: de Camille Henrot (lion d'argent de la Biennale de Venise 2013) à Mircea Cantor (prix Marcel Duchamp 2011). Son choix invite à une découverte d'un littoral territoire de tous les possibles, entre plages désertes et châteaux de sable, havre de paix et théâtre des guerres, éternité des rivages et bords de mer savamment maîtrisés. Peintres, plasticiens, vidéastes, photographes, tous les artistes ont su rendre le sentiment que chacun éprouve face à cet espace. «Espace de perte de soi qui par ricochet, évoque la perte de soi dans une relation d'amour fusionnel, analyse Ashok Acideam. Cette expérience de la plénitude évoquée par Albert Camus dans Noces à Tipiza est celle de cette union de l'homme avec le monde, certes, mais aussi avec son prochain.» Comment l'homme trouve-t-il sa place face aux limites géographiques imposées par la nature, comment tente-t-il de les repousser jusqu'à saturation parfois?
Quelques instants d'humilité
Sur les deux niveaux du palais des Beaux-Arts, les œuvres évoquent cette tension entre l'appel du grand large et la volonté de lui résister. Quelques instants d'humilité pour une quête de bonheur intense, avant d'entamer une réflexion sur son destin, ses limites et sa fin. Il renvoie à l'essence de toute chose, à l'atome. Il est à l'image de la vague qui vient se briser sur les rivages des corps amoureux dans l'œuvre de JR, photographe et graffeur français, montrant un couple à Cuba dont la douceur de l'intimité contraste avec le mur en ruine sur lequel l'artiste l'a immortalisé avec son objectif. La photo est là, immense, projetée sur la façade du palais, à côté de la boule en acier qui reflète la mer, Moon 2, de Not Vital.
Au-delà du discours - un peu mélodramatique - sur ce «fil tendu, entre la fusion des êtres et leur irréversible fission» que symbolise l'amour atomique, il faut se laisser guider par le parcours. Il commence avec le film choc réalisé par Tania Mouraud à Baja au Mexique sur l'accouplement de deux baleines dans Ad Infinitum (2009) où le sentiment océanique nous submerge. Le visiteur est irrésistiblement attiré par ses sons abyssaux sans jamais percer le mystère de la scène qui déploie des forces quasi surnaturelles de corps démesurés.
À chacun de s'attarder dans l'une des cinq parties de l'exposition et de méditer, par exemple dans la section «Synergies silencieuses» devant la vidéo lyrique en noir et blanc de David Claerbout. Sur le toit labyrinthique de la Casbah d'Alger, l'artiste belge a saisi le geste d'un garçon levant le bras en plein match de foot pour donner à manger à une mouette en vol. Le temps semble suspendu, sur fond de Méditerranée. C'est tout simplement sublime...
Jusqu'au 1er septembre, «Dinard, l'amour atomique», au palais des arts et du festival. À voir aussi: la collection de Bernard Magrez, à la villa Les Roches brunes.
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