Robert Doisneau de retour au berceau
Le photographe de Paris est exposé aux Halles, son quartier de prédilection.
Par, Eva Provence
Dans l'ancien marché des Halles, à Paris, rien n'arrête une faim de loup. Alors que deux jeunes femmes affamées déjeunent d'une part de quiche sur le pouce, un mur de rats morts suspendus se dresse derrière elles. Accrochée parmi d'autres clichés sur la place Carrée du Forum, la photographie Pause repas rue des Halles septembre 1971 deRobert Doisneau retrouve son caractère incongru et décalé.
Sorties du cadre muséal et de l'Hôtel de Ville, où avait eu lieu une exposition de Doisneau sur le même thème l'an passé, les 90 œuvres du photographe, dont celles inédites en couleur du chantier, retrouvent dans les allées du Forum, un peu de leur agitation d'origine. Au-dessus du fourmillement des longs couloirs, alimentés par les sorties du métro et duRER, pendent ainsi des gueules du populo et des scènes de genre pittoresques du vieux Paris:La Poissonnerie Lacroix rue Rambuteau janvier 1953, où la poissonnière joue avec une otarie, ou encore les deux Sauts du caniveau, exercice quotidien aussi habituel que périlleux.
En symbiose avec le milieu
La disposition des œuvres entre la place Carrée, la rue du Cinéma, la Rotonde et les trois niveaux des palissades entourant la place Basse invite le spectateur à se replonger dans les changements qu'a connus le quartier. Lesphotographies affichées à l'actuel niveau -2, notamment celle des Spectateurs du trou des Halles, juillet 1974, insistent sur le vide béant et angoissant d'un chantier, entre la destruction du ventre de Paris, débutée en 1971, et la construction d'une nouvelle clé de voûte de la capitale, terminée, elle, en 1979.
Une vision qui anticipe aussi les présents bouleversements, dont les travaux, déjà commencés depuis 2002 par la Mairie de Paris, transforment le forum en une agora lumineuse agrémentée d'une abondante frondaison. Une exposition en symbiose avec les évolutions architecturales et fonctionnelles des Halles, où l'on rencontre une autre «curieuse humanité» grouillante, composée de «glaneurs et glaneuses» chers à la cinéaste Agnès Varda, de marchandes de jonquilles, de vendeurs de fruits et légumes, de bouchers… Bref, les habitués du cœur de Paname chez qui le photographe aurait pu trouver de merveilleux sujets, ces anges du bizarre qu'il aimait tant photographier.
Exposition gratuite au Forum des Halles, Paris Ier, jusqu'au 9 septembre
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