lundi 12 août 2013

La petite ville de Nègrepelisse, un centre consacré à la création actuelle.





L'art contemporain bat la campagne du Tarn-et-Garonne








La petite ville de Nègrepelisse inaugurera dans quelques mois un centre consacré à la création actuelle. Un défi pour cette cité de 5000 habitants.


 
Il faut d'abord rallier Montauban, puis emprunter la départementale qui relie la préfecture du Tarn-et-Garonneet conduit à Nègrepelisse, à 15 kilomètres de là. À l'entrée du village, un Abribus est recouvert d'inscriptions à la craie: jour de marché, tournoi de foot, annonce d'événements rythmant la vie du village y sont inscrits. Dans le centre du bourg, des cagettes de pommes ont été récupérées. Elles aussi peintes en noir, elles ont vocation à devenir la nouvelle signalétique événementielle de cette ville de 5000 habitants.
Imaginées par les designers de Civic City et leur président,Ruedi Baur, à l'origine de l'identité visuelle et signalétique du Centre Pompidou, ces signalisations ne sont que la première pierre d'une transformation de l'identité visuelle de la cité. «Mon utopie serait de supprimer l'affichage. On la remplacerait par de l'écrit», imagine le designer franco-suisse, qui trouve le milieu rural propice à ce type de réflexion. Jean Cambon, le maire de Nègrepelisse, professeur de philosophie à l'université du Mirail, à Toulouse, est à l'écoute.
Il a décidé de faire de sa commune une capitale culturelle dont «le champ d'exploration est l'alimentation et l'agriculture», dans le département qui est le plus gros producteur de pommes de l'Hexagone.
L'an prochain sera donc inauguré le Centre d'art et de design La Cuisine. Il prendra place sur les vestiges d'un château du XIIIe siècle. Avant même l'ouverture de La Cuisine, des aménagements ont été faits hors les murs, toujours dans un esprit de valoriser l'art culinaire. Afin que les habitants se réapproprient une île située sur la rivière Aveyron, le centre d'art a fait aménager par des artistes, des nappes de pique-nique au pied des arbres ou sur des pierres dans le cadre d'une opération baptisée «Chérie, j'ai oublié la nappe».
Plus récemment, c'est à la designer Matali Crasset que l'on a demandé de travailler à la conception d'un espace pour ruches dans le bois du village, encerclé par les pavillons. Pour que le projet fonctionne et soit accepté de la population, la designer s'est rapprochée d'une association d'apiculteurs locaux. «L'initiative a permis de créer vingt ruches en un an», se félicite Jean-Michel Place, l'un des 100 adhérents de l'association, qui sensibilise aujourd'hui les écoles à la fragilité des abeilles.

           «L'importance du faire ensemble»

«Je viens d'un petit village de 80 habitants, et je sais toute l'importance du faire ensemble, dit l'artiste originaire de Champagne-Ardenne. Ce qui compte ici, ce n'est pas le design, mais de créer un concept que chacun peut s'approprier.» À l'ouverture du Centre d'art, le miel sera ainsi partagé depuis un pot commun.
Ces initiatives artistiques laissent parfois quelque peu sceptique les habitants du cru. Au comptoir du Derby, le bar situé sur la place principale, on commente sobrement: «Ils font des trucs, c'est les artistes.» Il est vrai qu'il n'est pas facile de faire accepter l'art contemporain en milieu rural. Actuel conservateur du musée Carré d'art à Nîmes, Jean-Marc Prévost a pendant sept ans été le conservateur du Musée départemental d'art contemporain de Rochechouart (Haute-Vienne). «Il est très compliqué de faire vivre ce genre de lieux, avoue-t-il. Pour les vernissages, j'étais obligé d'organiser des bus depuis Limoges, située à 40 km, pour qu'il y ait du monde. S'il est vrai qu'on y fait un vrai travail avec les scolaires, pour y amener le grand public, c'est difficile, d'autant que dans une ville de 4000 ou 5000 habitants, peu de gens s'intéressent naturellement à l'art contemporain.»
À Nègrepelisse, Ce pari, dont le coût de construction s'élève à 3,6 millions d'euros, Jean Cambon, le maire, l'assume. «Si on ne prend pas de risques en tant qu'élu, on ne fait plus rien. Il ne s'agit pas que de culture, mais d'aménagement urbain et d'intégration sociale.» La Cuisine ouvrira ses portes en juin. Elle accueillera annuellement trois résidences d'artistes.






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