jeudi 24 avril 2014

Conducta : une belle mise en garde




Autor: Guillermo Rodríguez Rivera

Ceux qui s’inquiètent pour l´idéologie à Cuba- qui sont nombreux- et ceux qui y travaillent de manière professionnelle- très nombreux aussi-, devraient analyser soigneusement ce film, écrit et dirigé par Ernesto Daranas qui avait débuté en tant que réalisateur avec Los Dioses Rotos.

Nos idéologues doivent porter leur attention sur Conducta parce que ce film est une exploration dans  plusieurs domaines de la vie du Cubain d´aujourd´hui  qui devient idéologique de manière incontrôlable, et cette exploration met en évidence  nos pénuries à l´heure d´aborder des idées cruciales pour un pays comme Cuba.
Mijail Bajtin, un important théoricien de la disparue URSS, exclu pendant longtemps par les officiels soviétiques, tellement longtemps qu´il a dû  publier certaines de ses œuvres capitales sous le nom de ses disciples, avait écrit sur ce qu´il a appelé idéologie de la vie.

Les catégories abordées par l´idéologie sont des concepts « cristallisés » établis comme étant immobiles, permanents, dogmatisés, cependant l´idéologie est en processus de changement dans la vie quotidienne. L´art et la littérature, liée directement à la vie, donnent foi de cette transformation.

Dans les temps où la presse est incapable de montrer ces changements, les poèmes, les romans, les films, les pièces de théâtre sont pleines de réflexions idéologiques discordantes par rapport aux pratiques établies. C´est ce qu´arrive avec la grande littérature russe de fins de 19ème siècle  et débuts du 20ème : Gogol, Tourgueniev, Tolstoï, Dostoïevski, Tchékhov. Et je pense que c´est justement cela ce qu’est en train d´arriver avec certaines ouvres artistiques cubaines de nos jours.

Les histoires que Conducta nous présente, au lieu de servir de sujet pour une œuvre artistique, devraient être matière pour un grand nombre de reportages qui devraient être accueillis par  notre presse, cependant aucun de nos journaux ne seraient en mesure d´informer et d´analyser plusieurs des sujets abordées dans le film.
J´ai entendu dire à plusieurs directeurs d´écoles primaires, secondaires et pré-universitaires, que ce film ne reflète pas réellement  la vérité sur  notre système national d´éducation, et ce point de vue pourrait être soutenu pas les directeurs de nos journaux. C´est pourquoi je pense que le plus important à Conducta, au-delà de ce qui peut arriver dans une école, une usine ou dans une coopérative agricole, c´est l´évaluation à distance entre le rapport où le dirigeant a écrit ce que ses supérieurs  veulent entendre et ce qui arrive réellement.

Le personnage de Carmela, extraordinairement  réussi par cette grande actrice, Alina Rodríguez,  prononce une phrase cruciale, où je pense  réside le message essentiel de Conducta. Lorsque la jeune directrice municipale lui prie - elle sait qu`à cette enseignante paradigmatique on ne peut pas lui donner des ordres comme c´est l´habitude de la directrice- de retirer du tableau mural l´image de la vierge de la Caridad del Cobre, qu´elle y a placée  car c’est le seul lien qui lui reste avec Camilo, l´élève mort, Carmela dit : « l´image doit partir aussi naturellement qu´elle est arrivée: elle doit partir parce c´est la vie qui en dispose et non pas parce qu´une inspection l’exige -

Il y a donc une distance entre les « conductas » (comportement en français) : celle exigée par la jeune directrice, qu’à la fois lui est exigée, et celle de Carmela qui veut s´attacher à la vie, à la vérité. Le film est en train de nous rappeler  que faire ce qu´il faut implique toujours une dose d´héroïsme, et va toujours l´impliquer, car obéir c´est toujours plus facile que lutter par ce qui doit être fait, pour comprendre et pour faire comprendre cette complexité que la plupart du temps  ne peut pas être expliqué dans les limites d´un rapport.

Je pense qu´Ernesto Daranas a réussi, dans ce film bien fait, à nous faire affronter l´un des problèmes qu´une société supérieure doit résoudre.















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