samedi 4 février 2012

L'image de la Vierge de la Caridad del Cobre, Le mystère poétique de la découverte


Histoire et ethnographie
Par Eusebio Leal Spengler

Le mystère poétique de la découverte, dans les eaux cristallines de la Baie de Nipe, dans l'Orient de Cuba, de l'image de la Vierge de la Caridad del Cobre.











Je viens de conclure la lecture de cette œuvre passionnante, le legs inachevé et inédit de Don Fernando. La compilation, le prologue et les notes en pied de page sont dues à José Antonio Matos Arévalos, et je désire faire l’éloge pour son honorable travail des exégèses en interprétant la pensée du savant.

N’importe quelle tentative pâlit pour exalter sa sagesse et son savoir, car Ortiz a obtenu que son environnement ait le profil de la Renaissance de l'univers. Grâce au hasard, qui fait concourir des talents admirables, il s'est converti en successeur légitime de cette constellation de grands humanistes qui ont tracé le mystérieux chemin, toujours ascendant, de la forge de la nation cubaine : les presbytériens José Agustín Caballero et Félix Valera, ainsi que José Antonio Saco, son disciple, José de la Luz y Caballero, Domingo del Monte, José María Heredia, Gertrudis Gómez de Avellaneda, José Martí… Ils ont résolument marqué notre vocation et notre destin.

J’ai demandé à Miguel Barnet, un de plus brillants disciples, de me procurer une copie de ce portrait qui captait – pour un instant – le reflet de ma propre mémoire : le souvenir de ma visite chez Don Fernando dans sa belle maison du Vedado, dessinée dans la plus pure inspiration grecque.

En passant le seuil, j’ai été surpris par l'imposante accumulation d'objets ; en vérité ce n'était rien d’autre que des matériels d'étude qu'il pouvait toucher et reconnaître maintes et maintes fois. Il y avait des instruments de musique étranges, des anciennes tenues des danseurs et des cabildos afro-cubains, une infinité de colliers, de clochettes, de haches cérémoniales…

J’ai eu le privilège particulier de m'approcher de sa bibliothèque, aux caisses de fiches et d’annotations – Matos Arévalos a raison d’affirmer qu’il « n'a rien laissé caché, rien à découvrir, mais pour étudier » –, pour arriver finalement devant le savant, penché sur son bureau, où il y avait à peine un espace vide. L'époque juvénile était resté en arrière ; il agissait comme s'il lui manquait du temps. Mais il maintenait cette qualité de travailler avec une prodigieuse virtuosité et versatilité.

Vers 1929, Don Fernando a commencé sa recherche sur le mystère poétique de la découverte, dans les eaux cristallines de la Baie de Nipe, dans l'Orient de Cuba, de l'image de la Vierge de la Caridad, ensuite appelée del Cobre.

Son imagination l'a poussé à faire des recherches sur ouragan, un mot indigène définissant ces phénomènes de la nature dans cette partie du monde, en les mettant en relation avec les spirales dessinées sur les pierres des cavernes par les aborigènes. De même, avec un grand intérêt, il s’est dédié à étudier la dévotion de cette image chrétienne qui, à Cuba, était précisément apparue pendant une tourmente, en plus d'expliquer la singularité de sa représentation iconographique.

En comparant les manuscrits inédits de Julian Josef Bravo (XVIIIe siècle) avec ceux d'Onofre de Fonseca, lui aussi chapelain, Ortiz essaye de pénétrer les origines du culte marial, que la méritoire historienne nord-américaine Irene Wright avait déjà abordées, bien qu'elle souligne la référence strictement hispanique de cette tradition catholique.

Par la suite, Juan Jose Arrom et Leví Marrero – parmi d’autres – trouveraient des preuves irréfutables dans les archives documentaires qui contribueraient à fonder le caractère testimonial de la présence de Marie dans les eaux cubaines.

Devant la très grande certitude, un grand nombre de débats ont continué jusqu'à nos jours, non seulement parce que la Vierge de la Caridad del Cobre a été proclamée Patronne de Cuba – le 10 mai 1916 – par le Pape Bénédicte XV, mais parce qu'elle est véritablement devenue « un symbole de la cubanité ». L’historienne de Santiago de Cuba, Olga Portuondo l’authentifie ainsi dans un de ses plus récents livres, reconnaissant ses recherches dans les papiers inédits de Don Fernando.

Pour le savant, cette histoire serait enrichie par le contexte ethnologique et ethnographique dans lequel les Espagnols, les Indiens, les Africains et les Créoles se sont mélangés jusqu'à arriver au Cubain – dans la plénitude de l'acceptation des habitants –, en même temps que les valeurs chrétiennes déplacent les éléments païens ou imaginaires dans la conformation de notre identité.

Sa certitude intuitive sur l’événement lui permet de nous approcher aux faits qui sont arrivés lors des jours et des heures suivants le vécu des trois Juanes en moment de transculturation : deux indigènes et un jeune créole noir (Juan Moreno), dont la longévité leur a permis de laisser témoignage personnel de la constatation du miracle.

Finalement, la pérégrination que font les trois hommes à Barajagua et de là – entre les vantardises et les bruits – aux mines Santiago del Prado, connues communément comme El Cobre.

Au milieu de l'ouragan, un mystère de la nature, a émergé la vierge brune, une similitude de celles dispersées en Europe, particulièrement en Espagne. Ainsi sont apparus les cultes mariaux sur d'autres terres conquises d'Amérique, comme une manifestation autochtone qui répondait aux déclarations de la pastorale catholique. Dans notre cas, aussi bien pour les hommes de foi que pour ceux ne l’ayant pas, cette invocation fait partie de l'âme de Cuba.

Juana a été le nom donné par Christophe Colomb à l'île découverte, comme un hommage à l’infant, le prince Juan, de vie éphémère. Mais ce nom a été utilisé brièvement, pour être remplacé par l’actuel, le premier que l'Amiral avait écouté de la bouche des rameurs d'un canoë qui s'approchait des caravelles.

On peut dire, sans crainte, que la canoë des trois Juanes – qui s'exprimaient en castillan, et dont l’un pouvait lire la tablette sur laquelle l'image s’identifiait – était la représentation exacte de notre existence insulaire, des éléments ethniques et culturels qui soutiennent leur futur, je veux dire notre présent et notre demain. Ce n'a pas été, ce n'est pas et ce ne sera pas une question de race ; il s'agit d'une prophétie culturelle : « le sang nous appelle, mais la culture détermine ».

Mon attention est fortement attirée par le fait que quasi à l’épilogue de cette histoire, durant l'année 1899, quand le pays était occupé et en peine pour la perte de son indépendance rêvée, un groupe de malfaiteurs ont dérobé l'image vénérée, la détruisant virtuellement pour voler ses attributs sacrés.

On affirme qu’elle avait un diamant resplendissant comme une étoile sur le front. Devant l'indignation populaire et le zèle des gens de la région les bijoux et les métaux précieux ont été trouvés, ainsi que le petit buste de l'ancienne sculpture, profanée et abandonnée.

Une fois l’image restaurée et restituée à son lieu original, elle a été – depuis son imperturbable regard - la dame de ces montagnes où, en 1927, on a construit le sanctuaire national. Là, Nuestra Señora de la Caridad del Cobre porte les armoiries de la nation cubaine brodées sur ses vêtements dorés ; toutefois, la petite embarcation avec les trois Juanes n'est pas présente au pied du piédestal d'argent.

L’explication de cela est peut-être que toute l'Île est sa petite embarcation : un immense tronc d'acajou, de cèdre, de caguairán… dans lequel tous les Cubains naviguent grâce à son aide virginale.







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