Ces monuments victimes de leur succès
Les nombreuses visites au musée du Louvre sont le témoignage de l'attractivité de la France. Crédits photo : Sébastien SORIANO
Claire Bommelaer
L'année 2011 a enregistré une forte fréquentation au Louvre, à Versailles et à la tour Eiffel. Cet afflux doit désormais être planifié.
Contempler La Joconde sans avoir un groupe de touristes devant soi? Impossible! Cette année, près de 7 millions de personnes auront défilé devant le célèbre tableau -un record! À tel point que la manière d'accueillir et d'orienter ce tourisme de masse est devenue un chantier prioritaire aux yeux d'Henri Loyrette, président du Louvre. «Pour l'instant, les visiteurs ne se plaignent pas trop, car le palais est un incontournable parisien, constate-t-il.Mais nous savons que le musée serait totalement saturé avec 12 millions de visiteurs.»
C'est un fait moderne: le monde entier veut voir les mêmes choses au même moment. En 2011, année de tous les records, 6,5 millions de personnes se sont rendues au château de Versailles, 8,7 au Louvre, 7 à la tour Eiffel, ou encore 13,5 à Notre-Dame de Paris. Tout cela témoigne de l'attractivité de la France. Mais, succès oblige, la dégradation de certains sites et l'impression d'être au musée comme dans un hall de gare sont perceptibles.
Un «meilleur confort de visite»
Chaque année, 850.000 personnes se rendent à la Sainte-Chapelle, lieu de 33 mètres de long sur 10 mètres de large. Présentée dans tous les guides touristiques comme un must parisien,sorte de choc émotionnel après la montée du petit escalier, la Sainte-Chapelle et ses vitraux font partie des lieux phares de Paris. «Petit à petit, la respiration des visiteurs, couplée à la pollution extérieure, dégrade les vitraux», remarque Isabelle de Gourcuff, administratrice de l'endroit. Pour le moment, ils sont restaurés grâce à la manne du mécénat de l'entreprise Velux, qui court sur plusieurs années. Et demain?Aucun établissement culturel ne songe à organiser la pénurie de visiteurs et à freiner la course au succès. Il en va de leur rayonnement international, mais aussi des recettes (billets, boutiques, mécénat) à un moment où l'État se retire sur la pointe des pieds. Et puis, comme le signale Isabelle Lemesle, présidente duCentre des monuments nationaux, «l'État nous demande de veiller à ouvrir les monuments au plus grand nombre». Mais il faut, explique encore Henri Loyrette, «aider les visiteurs à préparer leur visite en amont grâce au site Internet, leur permettre d'imprimer des billets depuis leur domicile et surtout les inciter à faire d'autres parcours dans le musée».
Selon les monuments, entre 20 et 25% des visites sont déjà préréservées, pourcentage qui n'est pas extensible à merci. «Lorsque l'on vend un créneau horaire précis, il faut pouvoir tenir sa promesse», prévient Nicolas Lefebvre, directeur général de la Société d'exploitation de la tour Eiffel (Sete). Pour l'instant, la Vieille Dame est en quelque sorte sauvée par ses ascenseurs, qui ne peuvent pas faire plus de 120 voyages par jour. En 2012, des travaux réalisés au premier étage (boutiques, restaurants) devraient permettre un «meilleur confort de visite», pousser les visiteurs à dépenser et, donc, autoriser la Sete à ne plus participer au toujours-plus. «Nous avons pris conscience que la tour Eiffel était aussi un patrimoine, et qu'il fallait la protéger», ajoute Nicolas Lefebvre.
Le ministère de la Culture, lui, voudrait aller plus loin. Il vient de demander au Domaine de Versailles d'étudier un système de tarifs modulables pour les particuliers, technique pour l'instant réservée aux tour-opérateurs. Le château est en circuit fermé, il est impossible d'inciter les touristes à le parcourir partiellement. Il faut donc travailler sur les «plages horaires». «Les familles arrivent toutes entre 11 heures et 15 heures pendant les périodes de vacances scolaires», remarque Denis Berthomier, administrateur de Versailles. Si elles y gagnaient fortement, elles pourraient décaler leur venue avant 9h30 ou après 16 heures et viendraient plus en hiver.»
Le système, forcément imparfait, vaut peut-être le coup d'être tenté. Car il en va de notre manière de «consommer» la culture et de protéger un des monuments les plus réputés au monde.
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