vendredi 28 décembre 2012

Un tourbillon de photographes à Paris




Voici Paris, melting-pot photographique







Marianne Breslauer, Zirkus (détail), Berlin,1931.



 Par Valérie Duponchelle


Rendez-vous avec un tourbillon de photographes emplis de fougue et d'envie d'en découdre, venus d'Europe de l'Est ou d'Amérique dans la capitale française à partir des années 1920. Voici Paris, l'exposition du Centre Pompidou, pleine de découvertes, est juste superbe.



Paris - mieux qu'une ville musée -, un carrefour de la création, une halte encore paisible dans l'Europe instable et un objectif vers lequel tous les talents convergent. «Voici Paris raconte cette rencontre internationale des photographes venus de l'Est sous la pression de la précarité, du besoin d'expression, puis de la menace de la guerre: de Hongrie comme BrassaïAndré Kertész ou François Kollar, de Berlin, surtout après 1928-1929, comme Germaine Krull et Marianne Breslauer, ou des Pays-Bas comme Erwin Blumenfeld. Et de l'Ouest sous la morsure de la crise de 1929, notamment de New York comme Man Ray et Berenice Abbott. On ne peut pas parler d'école, mais plutôt de phénomène d'où a jailli une créativité intense», analyse Quentin Bajac, chef du cabinet de la photographie au Centre Pompidou qui signe, là, sa dernière exposition avant son départ pour le MoMA à New York.
Voici Paris pioche avec œil et gai savoir dans les 7000 tirages pionniers de la collection Christian Bouqueret que le Centre Pompidou a pu acquérir grâce au mécénat d'Yves Rocher (prix top-secret, selon les vœux du mécène). En seulement 300 tirages et cinq sections à la beauté flagrante qui mettent en perspective ces talents aventuriers et foisonnants, Voici Paris révèle autrement la ville des surréalistes et du Front populaire.
Plus de quarante ans après sa construction, la Tour Eiffel reste un emblème moderniste dans l'objectif de François Kollar. Né en Slovaquie en 1904, alors la Hongrie, arrivé en France en 1924, il commence par travailler comme ouvrier chez Renault, puis comme garçon au Café de la Paix. Courants porteurs? Incarnation de «l'œil nouveau», Germaine Krull associe, par sa composition en ligne de mire, modernité totale et vanité des siècles passés dans son Autoportrait avec Ikarette de 1925. Elle a le même focus sur la Tour Eiffel, ce totem parisien. Fille de parents allemands née en 1897 en Pologne, Germaine Krull résume par sa vie en thriller le destin de l'Europe d'avant-guerre. Venue à Munich en 1916, elle y fréquente la bohème et épouse en 1919 un anarchiste russe. Après l'assassinat de Kurt Eisner, secrétaire du Parti social-démocrate indépendant d'Allemagne, elle est arrêtée, condamnée à mort, échappe in extremis à son exécution et s'enfuit à Berlin. Elle arrive à Paris en 1925 avec une approche «objective» de la photographie. Sa Tour Eiffel, 1927, traduit sa fascination pour l'architecture métallique. On l'a d'ailleurs surnommée «la Walkyrie de fer» ou «la Walkyrie de la pellicule».

          Une nouveauté radicale

Ces Parisiens d'adoption ont un regard direct sur la capitale et leurs photos montrent «l'homme des rues» avec une nouveauté radicale. André Steiner, né Andor en 1901 en Hongrie mais éduqué à Vienne, zoome sur les Pieds d'une passante à Versailles, en 1932, un an après avoir composé Le Cri, tirage expressionniste comme l'œuvre de Munch. Née à Berlin en 1909, arrivée à vingt ans à Paris, Marianne Breslauer y rencontre Man Ray, qui l'encourage dans sa voie. Sa vision de Paris est flâneuse et douce comme ses Quais de Seine, comme ses cafés où défilent les chapeaux melons et près desquels se déroulent les volutes du métro d'Hector Guimard (La Rotonde, 1930). La question sociale n'entrave pas son sens du beau (Zirkus, Berlin, 1931).
Défenseur, ami et spécialiste de photographes tels l'Allemand Otto Steinert, le Français Daniel Masclet joue de l'art de l'éclairage qu'il a appris en assistant le Baron de Meyer à Harper's Bazaar, de 1920 à 1925. Des pavés luisants de Brassaï aux enseignes de René-Jacques et René Zuber, Paris la nuit vante encore et toujours la vie et la sensualité. L'érotisme a bien sa place dans «l'œil nouveau» français. Il fouette les femmes pour vendre de la lingerie froufroutante, comme Roger Schall, «l'homme au Rolleiflex», en 1933. Ou pose un papillon sur le sein de la belle comme Lucien Lorelle, vingt ans plus tard.











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