Au croisement de l’anthropologie, de l’histoire de l’art ancien et contemporain, de la mode et des mœurs, l’exposition met en œuvre les problématiques de l’intime individuel et sa sociabilité sur le thème universel des cheveux.
Abordant l’idée que chacun donne de sa personnalité par la coiffure, elle se présente tout d’abord sous l’angle de la frivolité, des compétitions entre blonds/blondes, rousses et bruns, lisses et crépus dans un large éventail de peintures classiques, de sculptures et de photographies d’auteurs. Comparant les coquetteries en Papouasie Nouvelle-Guinée, celles des belles citadines africaines ou des artistes de la haute coiffure, l’exposition avance vers l’idée du matériau humain à modeler, à sculpter, support à la fois de savoir-faire, de la relativité de la beauté mais aussi objet de perte, symbole du temps qui passe, de la maladie et de la mort.
Supports de mémoire, reliques, talismans, les cheveux conservent pour beaucoup l’aura et l’énergie de leur propriétaire. Une large partie de l’exposition est consacrée à ces mana qui ont donné naissance, dans le monde, à de multiples objets dits « magiques » ou dotés de pouvoirs que l’on s’approprie.
La question du reste et du trophée est ainsi posée et plus largement du statut de certains « objets » campés aux frontières de l’horripilant et de l'insoutenable, interrogeant nos catégories à partir d’une expérience universelle.
Buste de femme noire, Charles Cordier, Muséum national d’Histoire naturelle © MNHN, Daniel Ponsard
PROLOGUE : NOIRS/BLANCS
Bustes européens anciens, modernes et contemporains, mais aussi bustes non européens : leur confrontation invite à réaliser la grande variété des coiffures qui caractérisent les différentes cultures.
Dans cette galerie ethnique, des bronzes et marbres, en noir ou blanc, recomposent un échiquier où se jouent de multiples combinaisons et points de vue. Des bustes de Louis XIV ou de Marie Joséphine de Savoie du Musée national des Châteaux de Versailles et de Trianon côtoient des bustes de femme noire ou chinoise, œuvres de Charles Cordier, issus des collections du Muséum national d’Histoire naturelle.
FRIVOLITÉS ?
Empruntant un parcours semblable à celui d'une vie, l'exposition commence par les frivolités et les insouciances des débuts, rythmées par les caprices et désirs. Pourtant, ne s'agit-il que de frivolités ? N'y a-t-il pas bien davantage ? Ces soins, ces recherches, ces inconstances ne sont-ils pas aussi la marque d’une vitalité propre à dépasser l'ordinaire banalité, à s'affranchir de la laideur ?
L’exposition se déplace de l'univers scintillant des représentations occidentales vers celles d'autres cultures. Peintures, sculptures, photographies, reproductions, objets et supports multimédias expriment l’impermanence de ces images, tendues vers nous comme des miroirs nous révélant nos arrangements avec nos apparences et nos destins.
Cette première partie de l'exposition s'articule en trois espaces :Métamorphoses et permutations, Les couleurs de la norme, Séduire. La confrontation d'une grande diversité d'œuvres et d'objets nous révèle les différentes formes physiques et symboliques des cheveux : séries photographiques par Samuel Fosso et de J.D. Okhai Ojeikere, installation d'Annette Messager, Rois Francs peints par Jean-Louis Bézard, mais aussi photographies d'actrices et de chanteuses par Sam Lévin, tableau d’Ingres, de Boilly, de Charles Maurin ou de Jean-Jacques Henner.
LA PERTE
La vie biologique des cheveux les conduit à leur perte. Entre individus et sociétés, nombre de situations impliquent la perte des cheveux, que cette perte soit acceptée ou contrainte et évoque, dans des arrangements reliquaires, l’absence et le souvenir d’une personne.
Emma, relique, circa 1900 © Collection Jean-Jacques Lebel
S.E. médaillon, circa 1900 © Collection Jean-Jacques Lebel
"La perte" s'articule autour de trois thématiques : La perte acceptée, Souvenirs et La perte contrainte. Parmi les pièces exposées : des photographies de Francoise Huguier, Man Ray et Nobuyoshi Araki, les cheveux d’initiés papous coupés à leur retour d’une longue retraite initiatique ou le fragment de cheveu d’une jeune carmélite offert par André Breton à Jean-Jacques Lebel. À voir également : des médaillons et broches prêtés par le musée Caranavalet, des objets de la collection Jean-Jacques Lebel, des photgraphies de Robert Capa et d'Annie Leibovtiz.
POUVOIRS DU CHEVEU
Le soin des cheveux dans les cultures non européennes renvoie de la même manière aux questions de souci de soi, de séduction, qu'il s'agisse d'extensions ou de parures mêlant des matériaux naturels et agençant avec raffinement les couleurs.
Les cheveux inclus dans des objets de mémoire se chargent de significations pour évoquer le souvenir ou la puissance d’une personne notamment dans les sociétés qui pratiquent la prise de trophées ou la chasse aux têtes. Les cheveux deviennent des matières chargées des pouvoirs de leurs anciens possesseurs et sont portés comme des ornements puissants. Trophées, scalps et autres sont censés faire circuler une énergie associée le plus souvent à la fertilité des cultures, à la prospérité du groupe et aux rapports apaisés avec les Ancêtres.
Cette dernière section est composée de quatre parties : Parures, Ornements puissants et charmes magiques,Trophées, Ancêtres et Au-delà. Choisis en majorité dans les collections du musée du quai Branly, une centaine d’objets modestes ou spectaculaires composés de cheveux mettent de plus en plus en présence de substances de corps disparus. L’enjeu se tend alors entre présence vivante et dépouille, disparition et survivance, frivolité et mort.
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