Installation de Francisco Rivero.
Joug et étoile
Quand je suis né, sans soleil, ma mère m'a dit : -
Fleur de mon sein,
Hommage généreux
Somme et reflet de moi et de la Création,
Poisson qui deviendra oiseau, coursier puis homme,
Considère ceci, que tristement je t'offre,
Ces deux emblèmes de la vie : vois et choisis.
Le premier est un joug : qui l'accepte en jouit :
Il devient bœuf soumis, et dés l'instant qu'il rend
Des services aux maîtres, il a une litière
Douillette, et reçoit belle et abondante avoine.
L'autre, ô mystère qui de mon flanc naquis
Comme la haute cime est née de la montagne,
Celui- ci, qui rayonne et tue, est une étoile :
Comme elle répand la lumière, les pécheurs
Fuient celui qui l'arbore, et ainsi dans la vie,
Semblables à des monstres de crimes chargés,
Les porteurs de lumière se retrouvent tout seuls.
Mais celui qui imite sans effort le bœuf,
Redevient bœuf lui- même, et bête sans esprit
Entreprend á nouveau l'échelle universelle.
Et celui qui sans crainte arborera l'étoile,
En créant, se grandit !
Lorsque l'être vivant
Du monde a épuisé le meilleur de la coupe :
Quand, pour offrir un mets au festin sanguinaire
Des hommes, content et grave il aura extirpé
Son propre cœur : lorsque du Nord au Sud
Il a jeté aux vents sa parole sacrée, —
L'astre, comme un manteau, de clarté l'enveloppe,
Comme pour une fête, s'allume le ciel clair,
Et l'on entend monter un nouveau pas dans l'ombre,
C'est celui du vivant qui n'eut pas peur de vivre ! -
Donne- moi donc le joug, ô ma mère, et ainsi
Debout sur lui dressé, qui brille sur mon front
Encore mieux l'étoile qui rayonne et qui tue.
José Marti
1853-1895. Cuba
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