Deux écueils menaçaient l'exposition Frida Kahlo/Diego Rivera. Ils ont été élégamment contournés par les commissaires franco-mexicains et une scénographie de Hubert Le Gall qui a bien sûr repris les couleurs de la Casa Azul, célèbre demeure du couple à Coyoacan. Le premier risque était de se laisser envahir par leur biographie. On connaît la passion et les drames qui animèrent la vie du géant muraliste, héraut communiste, et celle de la petite poupée cassée, belle et rebelle, consacrée égérie du surréalisme par Breton. L'histoire, aussi romantique que photogénique, est devenue un mythe, notamment grâce au biopic hollywoodien Frida.
Tant pis pour les amateurs de contes people: ici le récit de ce duo marié, divorcé et remarié est cantonné à un espace intermédiaire, agrémenté de cactus en clin d'œil ironique et, surtout, de photos très composées. Elles sont signées Nickolas Muray, Gisèle Freund ou Lola Alvares Bravo. On les admire plus pour leur beauté plastique que pour leur valeur documentaire. D'autres, de Leo Matiz, seront exposées du 16 octobre au 20 décembre à l'Institut culturel de Mexico, à Paris.
Gloire nationale
Avant et après ce sas se trouvent les huiles. D'abord celles exécutées par Rivera lors de son séjour en Europe entre 1907 et 1921. C'est la partie la moins connue. Voilà un cubiste qui devient cézannien puis fait remonter ses maîtres jusqu'à Uccello et Giotto à l'heure où on suivait plutôt le chemin inverse. Mais comment donner ensuite une idée du grand fresquiste? Par quel biais ses travaux titanesques - qui valent à l'artiste, encore aujourd'hui, d'être considéré comme «la» gloire nationale au Mexique - pouvaient-ils être évoqués?Il était bien sûr impossible de déménager sur les berges de la Seine les chefs-d'œuvre de «réalisme magique révolutionnaire» que sont par exemple les peintures du Palais national de Mexico ou celles du Detroit Institute of Arts. Même celles, pourtant amovibles, exposées l'an dernier au Musée d'art moderne de New York, n'auraient pu entrer à l'Orangerie. Réponse dans la dernière et la plus spacieuse partie du parcours. Des détails sont reproduits grandeur nature entre les travaux préparatoires, les dessins et la peinture de chevalet. De son côté, Frida Kahlo rayonne dans une alcôve centrale réservée aux compositions moins politiques, plus intimes. C'est là que sont accrochées des icônes douloureuses comme la Colonne brisée ou d'autres autoportraits aussi sincères, ceux au cadre de coquillages par exemple.
On appréciera que les deux artistes soient présentés avec un soin et une importance égale. Diego domine à la périphérie, alors que Frida émeut au cœur. Enfin, dernière preuve d'intelligence: une troisième personne s'invite. «Lola» Dolores Olmedo. Elle fut l'une des maîtresses de Rivera, et donc une rivale de Kahlo. Elle collectionna les deux. Toutes les œuvres viennent de son musée, le plus riche au monde en la matière.
«Frida Kahlo/Diego Rivera. L'art en fusion», au Musée de l'Orangerie, Paris Ier, jusqu'au 13 janvier. Catalogue Orsay/Hazan, 224 p., 35 €.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire