dimanche 28 juillet 2013

Les «tentations» des acteurs de l'évangélisation





Les «tentations» de l'Eglise selon le Pape François










Avant de quitter le Brésil, le pape François a adressé un très long discours à tous les évêques d'Amérique Latine, réunis au sein du CELAM (Conférence des épiscopats latinos Américains et des Caraïbes), qui réunit les 22 conférences épiscopales nationales de ce continent. Il détaille sa politique pour l'Eglise et définit les «tentations» des acteurs de l'évangélisation. Un texte très significatif du pontificat. Extraits:

«L'option missionnaire du disciple sera soumise à des tentations. Il est important de savoir comprendre la stratégie de l'esprit mauvais pour nous aider dans le discernement. Il ne s'agit pas de sortir pour chasser les démons, mais seulement de lucidité et de ruse évangélique. Je mentionne seulement quelques attitudes qui configurent une Église «tentée». (…) Elles peuvent faire échouer, le processus de conversion pastorale.
1. L'idéologisation du message évangélique.
Il y a une tentation qui s'est rencontrée dans l'Église dès l'origine: chercher une herméneutique d'interprétation évangélique en dehors du message de l'Évangile lui-même et en dehors de l'Église. (…) A certain moment, a connu cette tentation sous forme d «asepsie». On a utilisé, et c'est bien, la méthode du «voir, juger, agir» (Cf. n. 19). La tentation résidait dans le fait de choisir un «voir» totalement aseptique, un «voir» neutre, lequel est irréalisable. Le voir est toujours influencé par le regard. Il n'y a pas d'herméneutique aseptisée. La demande était alors: avec quel regard voyons-nous la réalité? Il faut au contraire voir avec le regard du disciple (…). Il y a d'autres manières d'idéologiser le message et, actuellement, apparaissent en Amérique Latine et dans les Caraïbes des propositions de cette nature. J'en mentionne seulement quelques unes:
a) La réduction socialisante. C'est l'idéologisation la plus facile à découvrir. A certains moments elle a été très forte. Il s'agit d'une prétention interprétative sur la base d'une herméneutique selon les sciences sociales. Elle recouvre les champs les plus variés: du libéralisme de marché aux catégories marxistes.
b) L'idéologisation psychologique. Il s'agit d'une herméneutique élitiste qui, en définitive, réduit la «rencontre avec Jésus-Christ», et son développement ultérieur, à une dynamique d'introspection. On la rencontre habituellement dans les cours de spiritualité, les retraites spirituelles, etc. Il finit par en résulter un comportement immanent autoréférentiel. On ne sent pas de transcendance, ni par conséquent, de comportement missionnaire.
c) La proposition gnostique. Assez liée à la tentation précédente. On la rencontre habituellement dans des groupes d'élites faisant la proposition d'une spiritualité supérieure, assez désincarnée, et qui conduit à faire de «questions disputées» des attitudes pastorales. Ce fut la première déviation de la communauté primitive, et elle est réapparue au cours de l'histoire de l'Église, sous des versions revues et corrigées. On les appelle vulgairement «catholiques des Lumières» (parce qu'ils sont héritiers de la culture des Lumières).
d) La proposition pélagienne. Elle apparait fondamentalement sous la forme d'une restauration. Devant les maux de l'Église, on cherche une solution seulement disciplinaire, par la restauration de conduites et des formes dépassées qui n'ont pas même culturellement la capacité d'être significatives. En Amérique Latine, on la rencontre dans des petits groupes, dans quelques Congrégations religieuses nouvelles qui recherchent une «sécurité» doctrinale ou disciplinaire. Elle est fondamentalement statique, même si elle promet une dynamique ad intra, qui retourne en arrière. Elle cherche à «récupérer» le passé perdu.
2. Le fonctionnalisme.
Son action dans l'Église est paralysante. Il s'enthousiasme davantage pour la «feuille de route du chemin» que pour la réalité du chemin. La conception fonctionnaliste n'accepte pas le mystère, elle regarde à l'efficacité. Elle réduit la réalité de l'Église à la structure d'une ONG. Ce qui importe c'est le résultat constatable et les statistiques. De là on va à toutes les manières d'entrepreneurs de l'Église. Elle constitue une sorte de «théologie de la prospérité» dans l'organisation de la Pastorale.
3. Le cléricalisme
C'est aussi une tentation très actuelle en Amérique Latine. Curieusement, dans la majorité des cas, il s'il agit d'une complicité pécheresse: le curé cléricalise, et le laïc lui demande à être cléricalisé, parce que c'est finalement plus facile pour lui. Le phénomène du cléricalisme explique, en grande partie, le manque de maturité et de liberté chrétienne dans une bonne part du laïcat latino-américain. Ou bien il ne grandit pas (la majorité), ou bien il se blottit sous les couvertures des idéologies, dont nous avons parlé, ou dans des appartenances partielles et limitées. Il existe, dans nos régions une forme de liberté des laïcs à travers des expériences de peuple: le catholique comme peuple. Ici on voit une plus grande autonomie, saine en général, qui s'exprime fondamentalement dans la piété populaire(…). La proposition des groupes bibliques, des communautés ecclésiales de base et des conseils pastoraux vont dans le sens d'un dépassement du cléricalisme et d'une croissance de la responsabilité des laïcs.
Nous pourrions continuer en décrivant quelques autres tentations mais je crois que celles-ci sont les plus importantes et ont une grande force en ce moment en Amérique Latine et dans les Caraïbes.»
Traduction officielle du Vatican

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