mercredi 21 novembre 2012

L'art cherche sa place à l'école






Au Louvre, devant Napoléon sur le champ de bataille d'Eylau, de Gros. 
Crédits photo : Sébastien SORIANO


Claire Bommelaer et Caroline Beyer

Le gouvernement prépare un plan pour renforcer des programmes qui reposent encore sur la bonne volonté des enseignants.

C'était une (petite) promesse de campagne de François Hollande, nichée dans le point n° 19 du projet socialiste pour 2012. En bons soldats, Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, et Vincent Peillon, ministre de l'Éducation nationale, se sont donc attelés à la tâche: au Conseil des ministres de mercredi, ils présenteront un plan pour le développement de l'enseignement de l'histoire des arts à l'école. L'idée n'est pas d'annoncer une grande révolution, pour laquelle l'argent manquerait, même si 7 millions d'euros devraient être débloqués sur plusieurs années. Mais le gouvernement veut «instaurer un parcours artistique» tout au long de la vie scolaire, intégrant apprentissage de l'histoire des arts, rencontre avec des artistes, visite de musées, diffusion des bonnes pratiques locales et formation des enseignants à la création artistique. Avec un focus sur les zones rurales ou les zones d'éducation prioritaires (ZEP): les premières parce qu'elles sont éloignées des grands théâtres ou musées ; les secondes parce qu'elles ont d'autres priorités que l'apprentissage de la flûte à bec. «Nous ne recherchons pas seulement à provoquer chez les élèves le choc esthétique cher à André Malraux, mais aussi à pousser le principe d'égalité face à l'art et à la culture», explique-t-on au ministère de la Culture.

          Une société de l'image

Un comité de pilotage - présidé par l'écrivain Marie Desplechin - va être installé pour aider à mettre au point ce nouveau plan, qui se fera en marchant. Car la ministre sait que la page sur laquelle elle veut laisser sa trace n'est pas vierge. Tous les ministres de l'Éducation ou de la Culture, à commencer par Edgar Faure (1968), en passant par Jack Lang (1981) et Catherine Tasca (2000) et, plus récemment, Xavier Darcos (2008) se sont piqués au jeu d'une réforme. Chacun ayant tourné à chaque fois autour de la lancinante question de l'obligatoire ou du facultatif: l'enseignement de l'histoire des arts est une matière qui semble à la fois fondamentale et accessoire. Elle peine à rivaliser avec les mathématiques et l'anglais, même si chacun sait que les élèves font partie d'une société de l'image, et que les images font aussi l'histoire d'un pays.


Actuellement, l'histoire des arts est l'objet d'un enseignement obligatoire, de l'école primaire au lycée, tandis que le brevet des collèges lui réserve une épreuve orale. Au collège, l'histoire des arts représente désormais un quart du programme d'histoire et la moitié des programmes d'éducation musicale et d'arts plastiques, même si aucun programme spécifique n'a été défini par le ministère. Les arts visuels, les arts plastiques et la musique sont au programme des écoliers - avec des professeurs spécialisés pour les petits Parisiens - et des collégiens. Au lycée, les «enseignements artistiques» (arts plastiques, arts appliqués, musique, mais aussi le cinéma et l'audiovisuel, la danse, le théâtre) sont facultatifs. Ils font l'objet, en classe de seconde, d'un enseignement dit «d'exploration» (1 h 30 hebdomadaire), à choisir parmi une dizaine d'autres thèmes. À l'issue de la seconde, au moment des choix, ces enseignements artistiques ne sont ensuite dispensés que dans la filière littéraire.

         Un goût d'inachevé

Voilà pour les obligations. S'y ajoutent les sorties scolaires qui, compte tenu de la vitalité des musées et des théâtres en France, sont assez nombreuses, surtout en Ile-de-France. Selon le ministre de la Culture, 20 % de la population scolaire bénéficie de programmes de rencontres avec des artistes ou de classes à projets culturels. Et bien plus prennent un car pour aller visiter le musée le plus proche.
D'où vient, alors, ce goût d'inachevé? Dans un livre blanc publié en mai 2012, l'Association des professeurs d'archéologie et d'histoire de l'art des universités donne quelques clés. Les enseignements reposent «non sur les compétences mais sur la bonne volonté» de l'école, regrette-t-elle. Et pourtant, «contrairement à une idée reçue, l'émotion face à une œuvre, cela s'acquiert». Dans un pays de patrimoine et d'histoire, une bonne éducation artistique permettrait aux petits Français de se forger une identité nationale, poursuivent ces professeurs. Et, pourquoi pas, pousserait à l'avènement de grands collectionneurs.

          L'enseignement de l'histoire des arts en Europe

            • En Allemagne
L'éducation est de la responsabilité des Länder, et varie donc d'un État à l'autre. Mais le ministère fédéral de l'Éducation a décidé, dans une directive datant de 2007, d'accorder une plus grande importance à cet enseignement afin de «développer une identité culturelle forte», considérée comme un atout dans un monde globa­lisé. Dans le primaire, les écoles consacrent cinq heures hebdomadaires à l'enseignement des arts, de la musique et du dessin. Sauf exception, les cours se terminent à 13 heures dans les écoles primaires. Les écoliers consacrent leurs après-midi au sport et à l'apprentissage d'un instrument. Dans le secondaire, il est possible de présenter la pratique du saxophone, du violon ou de la flûte traversière pour l'Abitur, le bac allemand.
            • En Grande-Bretagne
Le nouveau diplôme «Ebacc», pour English baccalauréat, qui va remplacer l'actuel GCSE, à l'âge de 16 ans, se focalise sur cinq matières essentielles: l'anglais, les maths, les sciences, une langue étrangère et l'histoire-géographie. Des matières «utiles», selon le gouvernement, pour décrocher un emploi et, plus largement, à l'économie du pays. Du coup, un quart des écoles ont commencé à retirer de leurs programmes les arts dramatiques et plastiques. Le directeur de la Royal Opera House de Covent Garden, celui de la Tate Gallery, des architectes et des dramaturges ont interpellé le ministre de l'Éducation pour qu'il revoie sa réforme de l'enseignement secondaire, qui menace, selon eux, la position dominante de la Grande-Bretagne dans le monde en matière de créativité.
             • En Italie
L'enseignement des disciplines artistiques dans les lycées se résume à deux heures par semaine à partir du second cycle, en alternative à l'enseignement de la religion. Certains ont les moyens d'organiser des cours de musique ou d'arts graphiques, à raison de deux heures supplémentaires. Aux yeux des enseignants, ces établissements restent trop peu nombreux. Tout change avec les conservatoires des beaux-arts et de musique, qui dispensent après le bac un diplôme d'enseignement supérieur. À Rome, l'Académie des beaux-arts - l'Italie en compte vingt -, accueille 2.000 élèves dans neuf disciplines. «L'art offre un potentiel de croissance énorme», affirme son directeur, Gerardo Lo Russo.


















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