Frans Hals en prestigieuse compagnie
Par Eric Bietry-Rivierre
À quelques kilomètres d'Amsterdam, dans le musée qui porte son nom, le grand portraitiste baroque est confronté à ses maîtres et à ses pairs.
Régentes d'hospice ou bouffons avinés, officiers de la garde civile posant l'air sévère ou, au contraire, arborant les joues roses d'un banquet en cours: aussi bien austères qu'épicuriens les Hollandais de Frans Hals (1582-1666) dégagent une vitalité et une vérité que seulRembrandt surpasse. Voilà d'ailleurs, dans son musée de Haarlem qui célèbre cette année son centenaire, le maître portraitiste du Siècle d'or, qu'admirèrent Van Gogh et Manet, confronté à ses contemporains ainsi qu'à ses aînés, nordiques et vénitiens.
Du moins partiellement. Car les prêts, bien qu'insignes, sont loin de suffire à un exercice de cette ambition. On appréciera toutefois dans la première salle Enfant avec des chiens, de Titien (Musée Boijmans Van Beuningen de Rotterdam), et Moïse sauvé des eaux, de Tintoret (Prado, Madrid). Ils rappellent que Karel van Mander, le maître de Hals, aimait la sprezzatura - cet effet de naturel proche de la nonchalance mais qui cache en réalité un art consommé. Le brio rapide du Haarlemois découlerait-il de celui des coloristes de la cité des Doges? Cela reste à démontrer plus précisément.
Un pinceau vangoghien
De même la confrontation avec Rembrandt n'est pas vraiment détaillée. À quel point ces deux-là se sont-ils regardés? Il ne suffit pas de rapprocher l'exquis Enfant riant de Hals et le célèbre Rieur(Mauritshuis, La Haye) de Rembrandt, pour le dire. Tout au plus remarque-t-on dans un des visages du Groupe des régentes de l'hospice de vieillards, de Hals, un pinceau aussi turbulent, presque vangoghien, que celui laissé trois ans plus tôt par le génial leydois de Jodenbreestraat dans son Portrait de Margaretha de Geer (National Gallery, Londres).
Avant cela, on sera passé devant une joyeuse fanfare. Celle constituée par le Joueur de luth de Hals, par celui moins malicieux du caravagesque d'Utrecht Dirk van Baburen et de deux joueurs de cornemuse: le burlesque autoportrait du Flamand Jacob Jordaens (Fondation Roi Baudoin, Rubenshuis, Anvers) et le délicat portrait en musicien deFrancois Langlois (Barber Institute of Fine Arts, Birmingham) par l'Anversois émigré à la cour du roi d'Angleterre, Antoine van Dyck.
Cette réunion égale en beauté celle de portraits de nobles ou de grands bourgeois, exécutés par Rubens, van Dyck et, bien sûr, par Hals. Ici, ce dernier fait jeu égal dans la lumière, les étoffes noires à la mode espagnole et les visages fiers de puissants cadrés debout derrière leur fauteuil de cuir gaufré d'or.
Enfin, il triomphe, dans la salle principale, avec ses cinq grands portraits de milices civiles, chefs-d'œuvre du musée. Pour trouver mieux, il n'y a que Rembrandt et La Ronde de nuit, la Joconde du Rijksmuseum d'Amsterdam.
Jusqu'au 28 juillet au Frans Hals Museum, Haarlem (Pays-Bas). Catalogue en néerlandais et anglais aux éditions Nai010, 160 p., 25 €. Tél.: 00 31 [0] 23 511 57 75. www.franshalsmuseum.nl
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