Quand on parle de l'histoire de l'art cubain contemporain de créateurs profondément engagés avec leur époque, avec l'éthique et avec leur œuvre, on doit souligner Adigio Benítez Jimeno parmi ceux occupant une position d’avant-garde, dont son enseignement artistique et révolutionnaire constitue son plus grand legs.
Décédé à La Havane le 8 mai 2013 à l’âge de 89 ans, Adigio a été actif jusqu'à la fin d'une vie fructueuse qui, selon ses propres paroles, a eu un sens après l'aube de janvier 1959 : « La Révolution était le monde rêvé. Pour la première fois j’ai joui de la véritable valeur de la liberté ».
Il est né à Santiago de Cuba le 26 janvier 1924, au sein d'une famille ouvrière dans laquelle, lors de son adolescence, il a partagé l'expérience de ses parents et de ses oncles militant du premier Parti marxiste-léniniste.
Installé à La Havane et conscient de sa vocation artistique, il s’est inscrit dans l’Académie de San Alejandro à l’âge de dix-huit ans, il a interrompu ses études à cause de sa précaire situation économique. À cette époque, il a travaillé comme opérateur dans un atelier de Santiago de las Vegas et il a eu son premier lien avec la presse dans un journal local.
Il a commencé à collaborer avec le magazine Mella, de la jeunesse communiste, en 1949 et quelques mois plus tard il rejoint le journal Noticias de Hoy, l’organe du Parti Socialiste Populaire (communiste), où il militait. Il a toujours été conforme avec ce militantisme, comme combattant clandestin sous la dictature de Batista – il signait ses collaborations dans le bulletin clandestin Carta Semanal sous les pseudonymes Laura, Abejota et A. del Campo pour déjouer les forces répressives - et après le triomphe de la Révolution, à laquelle il a participé à la construction du Parti dans le journal Hoy et dans l’un des noyaux du journal Granma, duquel il a été fondateur et enrichi ses pages avec de magnifiques illustrations.
Sa première exposition personnelle, en 1962 dans la Galerie Habana, révèle un peintre et dessinateur en pleine maturité et maîtrise des outils expressives, un fait confirmé deux ans plus tard quand, dans le même espace, il expose Obreros, máscaras et paisajes, tout un événement.
Lors de cette décennie il participé à la fondation de l'École Nationale d'Art - puis il rejoint le corps enseignant de l'Institut Supérieur d'Art-, commençant ainsi la formation de nouveaux talents, un travail reconnu justement avec le Prix National de l'Enseignement Artistique. Il a assumé des travaux avec une même vocation de service dans l’Union des Écrivains et des Artistes de Cuba, dans l'Association Internationale des Artistes Plastiques et dans le Conseil National de la Culture, où il a été à la tête de la Direction Nationale des Arts Plastiques.
En même temps, son œuvre commençait à gagner un prestige international par le biais d’expositions collectives et personnelles dans plus de trente pays d’Amérique, d’Europe et d’Asie. Des dizaines de ses œuvres sont présentes dans des collections publiques et privées du Mexique, d’Espagne, de Colombie, de Hongrie, de République Tchèque, de Russie, de Suède, d’Équateur, d’Iraq, d’Italie, des États-Unis, du Chili, d’Argentine et du Canada, et, bien sûr, dans le Musée National des Beaux-arts.
Maître du portrait de personnalités historiques - Martí, Mella, Jesús Menéndez, Camilo et le Che, parmi d'autres - et de la recréation des visages populaires, Adigio surprend favorablement la critique et le public en expérimentant les pratiques de l’origami, le transférant sur la toile et le bristol avec des formes géométriques et des approches allégoriques. Ses expositions Plegables simulados(1988), Beldades y trebejos (1996) et la plus récente Negro de Marte sobre Blanco de Titanio (2012), ont été révélatrices.
Il a obtenu le Prix National des Arts Plastiques en 2002, en reconnaissance à l’ œuvre de toute une vie. Sa modestie exemplaire a été enregistrée dans une phrase qu’il a dit alors : « J'ai essayé d'être utile ».
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